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APACC - Montreuil - art contemporain
10 octobre 2010

Les actualités Méliès...

Les archives de la Mairie de Montreuil sont riches et organisées... cela nous a permis d'obtenir cet entretien avec Madeleine Malthète-Méliès, recueilli en janvier 1988. Il a été publié dans Montreuil Dépêche, à l'occasion du centième anniversaire de l'installation des studios Méliès à Montreuil (à quelques semaines de l'inauguration de l'Holo-Méliès acquis par la Ville ).

Voici la retranscription de l'entretien.

Montreuil-Dépêche : Vous avez bien connu votre grand-père, puisque vous avez habité avec lui et sa femme, dans les années 30. Comment était-il ?

Madeleine Malthète-Méliès : Chauve, mince et très droit ! Tiré à quatre épingles, il portait une pelisse en peau d'astrakan. J'avais huit ans, il passait son temps à raconter des histoires. Après sa fameuse faillite, il vendait des jouets dans le hall de la gare Montparnasse, avec toujours autant d'espoir et d'humour. Il continuait même ses caricatures.

M.-D. : Parce qu'il dessinait aussi ?

Mme M.-Méliès : Il était peintre, tout comme il connaissait le mime, la prestidigitation, le piano... Tous les scénarii de ses films, comme les décors, il les dessinait. C'était aussi le roi de la caricature, dans un fameux journal satyrique et politique, la "Griffe" il s'est attaqué entre autres au général Boulanger (1), en signant ses coups de crayon Géo Smile... Plus tard, pendant l'affaire Dreyfus il a reconstitué le procès dans les studios de Montreuil. Il a aussi dénoncé la guillotine dans les "Incendiaires", ce qui lui valut la censure. Non seulement il reproduisait les actualités, mais il réalisait des publicités, pour les corsets Mystère, les biberons Robert.

M.-D. : Avec quels acteurs tournait-il ?

Mme M.-Méliès : Il n'y avait pas d'acteurs de cinéma à cette époque. Il travaillait avec sa famile, ou les voisins, le jardinier (2) ... Puis il a créé sa propre troupe : des acrobates, des mimes, tous ceux qui connaissaient l'art du cirque.

M.-D. : Et les décors ?

Mme M.-Méliès : Tous fabriqués dans les studios de Montreuil, pour les 503 films qu'il a réalisés. Certains en couleurs étaient peints à la main, comme celui que j'ai retrouvé en parfait état en 1982, chez le petit-fils d'un forain : "Jeanne d'Arc".

M.-D. : Vous en avez retrouvé beaucoup ?

Mme M.-Méliès : Pour le moment 154, et cela fait quarante ans que je cherche aux quatre coins du monde. Mon grand-père les vendait principalement aux forains qui allaient de ville en ville : on en retrouve dans des poulaillers..., ou bien c'est une cinémathèque en Angleterre ou aux Etats-Unis qui m'appelle.

M.-D. : Les studios de Montreuil, vous les avez connus ?

Mme M.-Méliès : Non malheureusement, puisque tout a été vendu l'année de ma naissance, par adjudication à cause de la faillite. Mais je suis allée les voir en 1943 avec Henri Langlois (3) qui admirait beaucoup mon grand-père : du premier studio, il ne restait que les montants métalliques, et le second servait d'habitation. Il ne reste plus rien maintenant, entre l'avenue Galliéni et l'avenue du Président Wilson, même pas le grand jardin, bien qu'on ait tout fait avec la municipalité pour sauver les lieux. On avait rêvé d'en faire un musée et une salle de projection...

M.-D. : D'où venait la propriété de Montreuil ?

Mme M.-Méliès : De mon arrière grand-père, Jean-Louis Stanislas Méliès qui avait fait fortune dans la chaussure : c'était sa maison de campagne qu'il appelait "mon bout du monde".

M.-D. : Georges Méliès a tourné son dernier film en 1912. C'est la fin de la "Belle Epoque" ... Qu'a-t-il fait ensuite ?

Mme M.-Méliès : Pour continuer à vivre, il a transformé le grand studio de Montreuil en théâtre des variétés artistiques : il a mis en scène et joué dans l'Arlèsienne de Bizet. Je rencontre toujours des gens à Montreuil qui s'en souviennent.

(1) Général Boulanger, ministre de la guerre en 1886, qui tenta un coup d'état contre la République

(2) Ce qui permet de penser que de nombreux Montreuillois ont joué dans ses premiers films.

(3) Henri Langlois fut le remarquable fondateur, avec Georges Franju et Jean Mitry, de la Cinémathèque Française où Madeleine Malthète-Méliès travaillait elle aussi.

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